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Archive for the ‘Jazz vocal’ Category

Aujourd’hui, tiens, j’ouvre mon blog et ô horreur : le dernier article date de l’année dernière. Ça m’a donné envie d’écrire un article sur pourquoi j’écris plus d’articles, et puis après, comme un dernier sursaut, ça m’a donné envie de parler de la musique que j’ai découverte à New York (oui madame). Voici donc un portrait d’Ana Ïsma Viel, chanteuse et percussionniste créole.

Née en France dans une famille de musiciens d’origine haïtienne, Anaïs Maviel a commencé à chanter à Paris avant de s’envoler pour New York, où elle a d’abord travaillé pour le Vision Festival. Créé par William Parker, ce festival a fêté cette année ses 20 ans ; les New yorkais ont pu y entendre par exemple Hamid Drake, Matthew Shipp, Vijay Iyer, Marilyn Crispell, Darius Jones, Milford Graves, Joe McPhee, Charles Gayle… Bref, le meilleur de la « creative music », ou « musique créative », c’est-à-dire musique qui échappe aux codes de la production commerciale et cherchent à reproduire la vérité de l’individu, dans toute sa multiplicité, toutes ses évolutions, voire ses contradictions. C’est parmi les grands qu’Anaïs s’est frayé un chemin, et, après avoir fait une apparition aux côtés de William Parker sur le festival, elle est aujourd’hui au programme de la session « Gardens », des concerts dans des jardins les après-midis d’automne. Dans cette école de la vie qu’est le Vision Festival, la musique est inséparable d’un certain activisme, d’une certaine manière d’envisager l’art, en résistance ou, du moins, à contre-courant du mainstream. Un positionnement que l’on retrouve chez celle qui se fait maintenant appeler Ana Ïsma Viel.

Percussions et voix nue : c’est sur ce fil tendu qu’elle a enregistré son premier album solo l’année dernière, baptisé h O U L e, qui paraîtra fin 2015 sur le label Gold Bolus. On y entend l’héritage de ses apprentissages auprès de Claudia Solal, Nicole Mitchell ou Jen Shyu (apparue notamment aux côtés de Steve Coleman), de la jeune scène free française (Healing Unit du pianiste Paul Wacrenier) et de son immersion dans la scène new yorkaise. Membre du Plaza Band de William Parker et des 12 Houses de Matt Lavelle, elle a fini de faire ses armes et multiplie les collaborations. Citons, entre autres, son trio avec Areni Agbabian, connue pour jouer avec Tigran Hamasyan, sa participation au Harriet’s Apothecary, un groupe de musiciennes guérisseuses, et son duo avec le saxophoniste Michael Foster, dont voici un aperçu.

Écouter Ana Ïsma Viel, c’est faire l’expérience du présent, de l’improvisation contemporaine, du métissage des cultures et du saut dans le vide. Absolument nu, tiré sur un fil, le son de son être déroule la chanson muette de ses origines, de ses voyages, de ses visions.

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Ni les notes de pochette du disque ni les différentes critiques écrites au fur et à mesure des années, le plus souvent par des hommes, ne font état de l’incroyable puissance féministe des paroles de la chanson « Blasé », mi-chantée mi-parlée par une Jeanne Lee porte-parole de la femme noire américaine qui, en pleine période de libération des Noirs (1969), aperçoit au loin qu’elle ne récoltera pas les fruits de son combat. Solidaire des hommes, elle se voit cantonnée au rôle de « reproductrice des forces armées » (Frances M. Beal citée par Kimberly Springer in Living For The Revolution : Black Feminism Organizations, 1968-1980, 2005).

Echo au « Who Will Revere The Black Woman ? » d’Abbey Lincoln, publié en septembre 1966 dans le Negro Digest, un texte pas si univoque qu’il en a l’air, « Blasé » est une formidable claque musicale et politique. L’écrin que les musiciens (Archie Shepp en tête) donnent au message de Jeanne Lee, aussi bien sur ce morceau que sur « There Is A Balm In Gilead », semble avoir été oublié. Alors qu’on entend dans cette dernière chanson :

« Is there is no balm in Gilead ? Is there no physician here ? Why then is not the health of the daughter of my people recovere ? »

voici les paroles, en anglais et en français, de « Blasé » :

« Blasé…. Ain’t you Daddy? / You shot your sperm into me, / And never set me free. / This ain’t a hate thing… / It’s a love thing / If lovers every really love that way / The way they / Say. / I gave you a loaf of sugar, / You tilt my wound ’til it runs. / All of Ethiopia awaits you / My prodigal son. / Blasé ain’t you big daddy / But momma loves you. / She / Always has. »


Blasé

N’est-ce pas toi qui l’es mon gars ?

Toi

Qui éjacules en moi

Mais ne me libères pas.

Je le dis sans haine

Mais avec amour.

Si les amants s’aimaient jamais vraiment ainsi

Comme il se le

disent.

Je t’ai donné du sucre*

Tu cognes ma matrice jusqu’à ce qu’il coule.

Toute l’Ethiopie t’attend

Mon fils prodigue.

Blasé, n’est-ce pas que tu l’es mon gars ?

Mais maman t’aime tu sais.

Elle

T’a toujours aimé.

* Loaf of sugar fait référence à sugar loaf qui désigne aussi bien l’argent que la semence féminine produite pendant l’acte sexuel.

Monument du free jazz, « Blasé » mérite aussi d’être écouté comme un manifeste féministe et une critique de l’improvisation : modèle libertaire et égalitaire d’un dialogue « libre », l’improvisation n’en échappe pas moins aux divisions sociales de genre, voire contribue à les reproduire en son sein. Lire l’analyse d’Eric Lewis, « Blasé » de Jeanne Lee et la politique de l’identité », dans Textuel n°60 (2010), L’improvisation, ordres et désordres.

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La première Rosa est incarnée par Emilie Lesbros et s’appelle The Gift : rock, improvisation, avec un soupçon de funk.

La deuxième Rosa est rouge et chantée par Claire Diterzi dans une mise en scène de Marcial di Fonzo Bo. Cliquer sur l’image pour lire le compte rendu du spectacle.

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Dans la famille des musiciens de jazz qui font du rock, je voudrais le trio EGO : Vincent Courtois (cello), Maxime Delpierre (g), Edward Perraud (dr). Cliquer sur l’image, descendre aux deux tiers de la page et écouter 7 minutes de live à fond avec, en prime, Jeanne Added au chant.

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Abbey

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« Unclassifiable » : voilà le verdict d’itunes. Dans le projet personnel de la chanteuse Elise Caron, paru en 2006 au Chant du Monde, il y a un peu de jazz, un peu de contemporain, un peu de chanson française, un peu de poésie…

Denis Chouillet ouvre l’espace pour accueillir ses textes d’une jolie improvisation au piano. « Reviens… » Elise Caron crée une « nouvelle race mi-animale mi-végétale » pour échapper aux « champs de bataille (…), d’inconscience et d’ignorance » (« Comptine »). D’une pleine et magnifique voix, elle chante son monde avec enfance ; elle prend, comme elle l’a toujours fait, des chemins de traverse, entre l’instrumental (« Sisyphe », où elle joue de la flûte traversière), la chanson, la comédie. Rappelant parfois la Belle histoire des Acrobates, elle refuse de choisir entre les rôles de parolière, arrangeuse, compositrice, actrice – il n’est que de voir comme elle incarne sur scène ses chansons. Ses musiciens sont plutôt issus du jazz, encore que : Sylvain Daniel (DPZ) et Daniel Diaz se partagent la basse, Bruno Sansalone joue des clarinettes et Denis Chouillet met en plus du piano la main à la pâte aux arrangements.

Elise Caron offre un univers poétique, riche et profond, à l’image de son immense « arbre » qui abrite « des piafs, des écureuils et des araignées » tout comme « des pendus et des planqués », « des génies des voleurs des rêveurs », « les noeuds les nids les parasites c’est génial et c’est logique. C’est généalogique. » Le lien à la famille et aux êtres aimés affleure tout au long du disque, sous une forme animale ou végétale, ou les deux… Parfois c’est une histoire de pain et de père Limpimpin (« la boulangère »), parfois c’est une réécriture (Cendrillon dans « la chambre »), parfois enfin une interrogation simple (sexe ou amour ? dans « entre nous deux », qu’est-ce que vieillir ? dans « les rides »). Toujours c’est aérien, limpide, clair.

Elise Caron se dit en même temps qu’elle dit le monde, en forme de profession de foi. « Pour toi j’irai jusqu’au bout de moi (…), pour que le rêve ne s’achève… »

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Oyez, oyez ! Place à la chanson !

Fille du grand Martial Solal, CLAUDIA SOLAL développe dans Room Service un imaginaire merveilleux et insolite : la poésie anglaise (Shakespeare, Emily Dickinson) en est la matière, Benjamin Moussay (claviers), Jean-Charles Richard (sax) et Joe Quitzke (batterie) les propulseurs. Il s’agit d’une chambre d’hôtel, d’un roi en difficulté, d’une tarte aux oiseaux… Un enchantement mélodique, richement simple et simplement riche, pour apaiser les âmes fatiguées.

À écouter sur disque et à voir en concert (lire la chronique sur Citizen Jazz) : le premier est ciselé comme un écrin pour la voix, le second ménage un espace pour de grandes improvisations, sans cependant sacrifier l’ « effet-groupe ». Pas de solo obligé, pas de thème-chorus à la queue-leu-leu, voilà qui est bien agréable. Chacun repart avec ses propres images en tête et s’endort avec les refrains entêtants, presque sorciers de Claudia Solal. Indeed, she’s « a very lucky girl, [she] can invent things. » (« Jellybird Pie »).

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