Quand j’ai commencé à écrire sur le jazz, jamais je n’aurais pensé ressentir ça un jour, mais la vérité vraie c’est que, maintenant, je m’ennuie. Entendons-nous : ce n’est pas le jazz qui m’ennuie, non, c’est d’écrire dessus.
La chronique de disque
La chronique de disque est un exercice fastidieux et répétitif. À tous les musicien(ne)s qui me lisent, pardonnez-moi. Je n’ai rien contre les disques, j’en achète encore pas mal contrairement à la majorité de la population, qui s’en débarrasserait plutôt. J’aime les disques, j’aime les pochettes, bref, j’aime l’objet. Mais j’en ai marre des chroniques de disques.
Une chronique de disque se doit d’être courte (mais pas trop), subjective (mais pas trop), informative (mais pas trop). N’abrutissez pas vos lecteurs de détails biographiques, pour ne pas les vexer, mais ne les laissez pas non plus sans rien, car en vérité ils ne savent pas vraiment de qui on parle. Dans un trio, l’entente sera complice, la circulation fluide, le dialogue riche. Le piano sera poétique, la contrebasse lyrique, la batterie solide. L’attaque sera incisive ; la rythmique soudée ; la proposition originale. S’il s’agit d’un orchestre, l’écriture sera ciselée, la direction dynamique, l’ensemble énergique. On louera les qualités de tel ou tel petit instrument noyé dans la masse (typiquement : le triangle), qui saura se faire entendre. Les improvisations des membres de l’orchestre seront fortes, individuelles et créatives. Le compositeur aura toujours écrit pour ses musiciens, et pas un autre. En même temps, les compositeurs qui n’écrivent pas pour leurs musiciens sont des compositeurs de musique classique (pardon pour eux si je dis n’importe quoi) ; tous les compositeurs de jazz écrivent pour leurs musiciens, Duke Ellington le faisait déjà, mais on en parle encore comme si c’était une remarquable nouveauté. S’il s’agit d’un croisement entre le jazz et un autre style musical (biffez la mention inutile : contemporain – rock – hip hop – musique bretonne – noise – patchouli), le mélange sera audacieux et/ ou inédit. La rencontre sera intéressante, passionnante, enthousiasmante. Si le disque est du free noise hardcore lofi expérimental, on notera la force du son, la radicalité de l’expérience, la masse compacte de la tempête (qui vous arrive dans la gueule), mais, par-dessus tout, la musique sera bruitiste. Les musiciens auront emprunté des chemins de traverse, et nous serons vivifiés par l’expérience — naturellement bien moindre sur disque qu’en live, mais cela n’est pas relevé, par politesse.
Le compte rendu de concert
C’est ce que je préfère. parce qu’on y était, parce que c’est vivant, parce qu’on s’est parlé, touché, embrassé. L’ambiance aura été chaleureuse, intimiste ou grand public ; l’accueil convivial. On aura été distrait, amusé ou touché. Si c’est acoustique, l’atmosphère aura été chambriste, poétique, sur le fil. S’il s’agit d’un gros festival, le public aura été emporté, conquis, hypnotisé. Pour les trios, voir ci-dessus. Pour les orchestres, rajouter une ligne sur la puissance de feu. Si ce sont des Américains, souligner le côté entertainment. Si ce sont des Européens, ne pas oublier de mentionner l’influence de, au choix : John Cage/ Steve Coleman/ Soft Machine. Si c’est une vieille star du jazz, ne surtout pas révéler à quel point la performance est ennuyeuse et qu’elle n’a rien fait de bien depuis 20 ans (sauf bien sûr si c’est John Zorn). En effet, le nom suffit. Exemple : Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea Chick Corea. Enfin, la cuisinière (de l’Atelier du Plateau) se sera surpassée.
L’entretien
La première fois que j’ai fait un entretien, c’était pour Citizen Jazz, et j’ai bafouillé en rougissant dans une loge de musicien des questions d’une téméraire audacité telles que : quand avez-vous rencontré machin et truc ? depuis combien de temps jouez-vous là ? quel est votre prochain projet ? Depuis, j’ai fait des progrès (j’espère).
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Vous connaissez le tumblr Je suis journaliste musical ? Si vous avez eu la flemme de lire cet article de journalisme musical, il vous donnera une idée de pourquoi je n’écris (presque) plus d’articles de journalisme musical (mais j’en écris plein d’autres ! embauchez-moi !).
any further news about our interview – dalachinsky
Please note: message attached
Un peu pareil avec des raisons diverses… Manque de temps, moindre intérêt du public pour les blogs qui écrivent plus de 140 caractères, addiction FB… Et « repetitivité des mots « … Sur des centaines de disques qui ne révolutionnent plus l’état des lieux… Mon Pti blog se morfond… Et j’ai du mal à contribuer sur les sites sérieux… Et puis, il faut un temps pour tout ! 😗😊 salute !
un article qui devrait être diffuser à nombre de « commentateurs radiophonique » de jazz ou critiques de jazz qui officient dans certaines (voire toutes) revues de jazz, c’est la raison pour laquelle d’ailleurs mes choix discographiques ne sont jamais guidé par ces « critiques » je parle de ceux qui tiennent la plume et produisent parfois ces « diarrhées » pseudo musicales en oubliant avant tout que le jazz (et toutes les musiques) s’adresse à un public doué de sensibilité, d’émotivité qui pas forcément la leur…..mais en tout en tout cas besoin de ce laïus « branché professionnel » dont il « n’entrave que dalle » et sorte simplement d’une ecoute de disque ou d’un concert avec ces simples mots » c’est génial, c’est super, c’est d’enfer » bref ça leur a plu…..n’est ce pas la le principal……
Belette forever !
Joliment dit. Avec humour. Vous nous manquerez.