« J’ai treize ou quatorze ans, peu d’argent en poche et, à Marseille, une cousine Elisabeth que j’accompagne un jour chez un disquaire. Elle veut s’acheter du Pat Boone, du Paul Anka, du Helen Shapiro, des choses comme ça, je suis mollement le mouvement.
Elle farfouille dans les bacs, je fais de même sans but précis et je tombe sur un 45 tours d’un homme nommé Thelonious Monk. Sur la pochette, cet homme est coiffé d’un béret basque. Ce disque, enregistré le 18 décembre 1952 avec Gary Mapp à la contrebasse et Max Roach à la batterie, contient quatre pièces intitulées « Trinkle tinkle », « Reflections », « Bemsha swing » et « These foolish things ». Je l’achète avec mon peu d’argent, je l’écoute. Je ne connaissais pratiquement rien à cette musique, jusqu’alors, mais je comprends aussitôt que j’ai découvert un trésor.
Considérant qu’en termes de droit celui qui trouve un trésor s’appelle son inventeur, j’ai plaisir à penser que je suis, juridiquement parlant, l’un des inventeurs du jazz moderne. »
Jean Echenoz
in Jazz en suite, sous la direction de Franck Ténot
Comme le billet précédent, ce texte est repris de l’ancienne version de ce blog, qui existe depuis sept ans maintenant ! À l’époque, on m’a dit : un blog sur le jazz ? Mais tu n’auras jamais assez à dire ! Par pur esprit de contradiction, j’ai publié 58 articles en un mois. Un blog sert autant à afficher et diffuser ses opinions qu’à les construire — et à les déconstruire. Merci à vous, mes lecteurs !
Merci !
cela me renforce dans mon amour déjà ancien d’Echenoz
Sept ans… comme le temps passe !