Un fauteuil, un micro, un violon, un ordinateur, un carnet sur un pupitre et des dizaines de bougies disposées au sol : Laurie Anderson est venue à Paris nous raconter des histoires de sa vie.
Pendant presque deux heures, Laurie Anderson, mère de la musique électronique expérimentale, amoureuse des ordinateurs, tripoteuse de boutons et conductrice d’électricité sonore depuis les années 70, nous a raconté des histoires. Des histoires de sa vie, des anecdotes, des expériences, des voyages et des reconnaissances.
Elle a travaillé dans un McDonald’s pour comprendre le monde de la production industrielle de l’intérieur et a vu ce que ça faisait de donner aux gens exactement ce qu’ils veulent. Elle est partie à l’Ouest des Etats-Unis avec sa chienne se promener dix jours pour voir s’il était possible de communiquer avec elle. La chienne, dressée pour cela, surveillait constamment les alentours pendant les ballades jusqu’à ce que des vautours tournoient au-dessus d’elle et qu’elle réalise que le danger pouvait aussi venir du ciel. Alors, elle a commencé à marcher la tête levée, inquiète — de la même façon que les new yorkais, après le 11 septembre, levaient constamment les yeux vers les airs, ayant réalisé, eux aussi, que le danger pouvait venir d’en haut. Laurie Anderson a raconté un voyage en canoë dans l’Utah en compagnie d’un groupe insupportable de control freaks fanatiques de « Mother Nature », qui se sont avérés être des victimes d’incestes. Elle a raconté d’autres histoires encore, plus ou moins anecdotiques dans le style leçon de vie, mais toujours poétiques dans la forme.
D’une voix paisible, elle dit les mots en musique, s’accompagnant elle-même au violon et aux effets électroniques, lançant parfois un beat pop qui s’arrête presque aussitôt, comme une pique éphémère. Les sons sont répétitifs, planants, attendus quand on la connaît. Des aplats sonores flottent entre les mots, dont certains sont détachés du reste, souvent en fin de phrase. On baigne dans une buée rêveuse accentuée par la lumière des bougies et le lent dépliement des histoires. On ferme les yeux, on les rouvre, on a loupé un passage, aucune importance. « L’histoire est un ange qui regarde vers le passé. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. » Laurie Anderson, elle, ralentit le temps voire nous en fait sortir, un instant. Elle pourrait continuer à parler comme ça, pendant des heures, et nous pourrions continuer à écouter, somnolant, hypnotisés, engourdis. Paisibles.
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