Big pop comme repère lumineux dans le firmament de la musique improvisée, Big jazz comme hommage à l’inventivité, au volume, à la profondeur.
Le big nouveau est arrivé : Alphabet de Sylvain Rifflet. Non content de sortir une perle chez Sans bruit il y a quelques semaines à peine avec le disque Beaux-Arts, le saxophoniste et clarinettiste Sylvain Rifflet s’attaque maintenant à l’Alphabet aux côtés de Philippe Giordani (g), Jocelyn Mienniel (flûte) et Benjamin Flament (perc). L’électronique est présente chez tous les instruments, non à la manière d’un remplissage verbeux mais pour modifier reliefs et volumes. Les compositions jouent constamment sur l’attente que l’on peut avoir de l’assemblage de tel instrument avec tel autre et en prend évidemment le contre-pied, pour créer des boucles évolutives qui rappellent quelque chose de la musique spectrale (par exemple les boucles dans Les Nègres de Lévinas) et minimale (Steve Reich) pour la forme et quelque chose d’un mélange de King Crimson avec Nine Inch Nails pour le fond. Des sortes de plateaux sonores s’enchâssent les uns dans les autres comme les vagues creusent le rivage. C’est finalement un objet totalement nouveau qui rencontre les oreilles, sophistiqué mais non hermétique, inspiré par des musiques antagonistes mais d’une très grande homogénéité. Chapeau. [Le disque est en téléchargement libre et disponible à l’achat sur la même page. On peut lire pour compléter la superbe revue fouillée de Maître Chronique ici.]
Le big parmi les bigs : E total du MégaOctet d’Andy Emler. Ça y est, il est arrivé. Le dernier disque du MégaOctet est sorti au début du mois de mai. L’orchestre est devenu star au fil d’albums qui portent invariablement la marque de leur compositeur ; le son Andy Emler y est immédiatement reconnaissable, et totalement indispensable — en témoigne l’abandon du projet Dionysos, où chaque musicien avait été mis à contribution comme compositeur, comme si le groupe ne se reconnaissait plus. C’est un MégaOctet plus « mature » qui nous revient là, « mature » mis entre guillemets parce qu’il est ironique et presque ridicule de parler de maturité au sujet d’un orchestre qui a plus de vingt ans et d’un compositeur qui n’a plus besoin de faire ses preuves depuis longtemps. Non, « mature » parce que l’ensemble paraît ici avoir été marqué de sa belle marque, avoir laissé ses empreintes sur sa propre musique, et l’avoir ainsi rendue plus profonde, si c’était possible. Les morceaux creusent davantage leurs propres ornières que sur les disques précédents, sont plus sombres, plus mélancoliques peut-être, mais sans jamais que le tout en soit plombé, bien au contraire. On retrouve la joie du partage, la discrétion du marionnettiste de l’ombre Andy Emler, et le plaisir du concept : avant c’était le rugby, maintenant c’est le Mi (E en anglais) : tous les morceaux reposent sur une fondamentale de Mi. On découvre aussi la beauté de Laurent Dehors dans une ballade, ou encore Élise Caron en invitée sur un hommage à Zawinul. C’est un nouveau coup de maître que le MégaOctet (Andy Emler piano, compositions, direction, Laurent Blondiau trompette, bugle, Laurent Dehors saxophones ténor et soprano, clarinettes, Thomas de Pourquery saxophone alto, voix, Philippe Sellam saxophone alto, François Thuillier tuba, Claude Tchamitchian contrebasse, Eric Echampard batterie, François Verly marimba, tablas, percussions) nous livre, accompagné d’une vidéo tournée par Richard Bois pendant l’enregistrement sur le label La Buissonne.
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